Page:Robida - Le Vingtième siècle - la vie électrique, 1893.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
Le Vingtième Siècle

— J’ai bien l’honneur de vous saluer, » répondit l’appareil.

Mme Lacombe, bien qu’elle ne se démontât pas facilement, rentra tout émue à Lauterbrunnen et ne se vanta pas de sa visite.

Quelque temps après, Estelle passa son dernier examen pour l’obtention du grade d’ingénieure. Elle avait confiance maintenant, elle se trouvait bien préparée, bien ferrée sur toutes les parties du programme, grâce aux conseils de Georges Lorris et à toutes les notes qu’il lui avait communiquées. Elle partit donc avec tranquillité pour Zurich, se présenta comme tous les candidats et candidates à l’Université et, forte des bonnes notes obtenues à l’examen écrit, affronta l’examen oral sans trop de battements de cœur cette fois.

Aux premières questions tombant du haut des imposantes cravates blanches de ses juges, l’aplomb inhabituel et tout factice de Mlle Estelle l’abandonna tout à coup ; elle rougit, pâlit, regarda en l’air, puis à terre en hésitant… Enfin, par un violent effort de volonté, elle parvint à retrouver assez de sang-froid pour répondre. Mais toutes ces matières qu’elle avait étudiées avec tant de conscience se brouillaient maintenant dans sa tête ; elle confondit tout ce qu’elle savait pourtant si bien et répondit complètement de travers. Quelle catastrophe ! le fruit de tant de travail était perdu ! Des zéros et des boules noires sur toute la ligne, voilà ce qu’elle obtint à cet examen décisif.

Sa désolation fut grande ; dans son trouble, elle oublia que sa mère, certaine de son triomphe, devait la venir chercher à Zurich ; elle prit bien vite son aérocab et, à peine rentrée, courut se renfermer dans sa chambre pour pleurer à l’aise, après avoir chargé le phonographe du salon d’apprendre à ses parents son échec.

Elle était ainsi plongée dans son chagrin depuis une demi-heure, lorsque la sonnerie d’appel du teléphonoscope retentit à son oreille. Elle mit la main en hésitant sur le bouton d’arrêt.

« Qui est-ce ? se dit-elle en s’essuyant les yeux ; tant pis si ce sont des amis qui viennent s’informer du résultat de mon examen, je ne reçois pas, je les renvoie à maman.

— Allô ! allô ! Georges Lorris, » dit l’appareil.

Estelle pressa le bouton, Georges Lorris apparut dans la plaque.

« Eh bien ? dit-il, comment ! des larmes, mademoiselle, vous pleurez ?… Cet examen ?

— Manqué ! s’écria-t-elle, essayant de sourire, encore manqué !