dans un coin retiré de campagne, songez à ce que le mot « fortune » peut représenter de millions !
Hypnotisé par l’éclat de ce mot magique, notre La Héronnière se jeta dans l’engrenage ; corps, âme et pensée, tout en lui fut aux affaires. Attaché au laboratoire de Philox Lorris, il devint bientôt, de collaborateur de ses hautes recherches, associé à quelques-unes de ses grandes entreprises.
Pendant des années, il ne connut pas le repos. À notre époque, si le corps a le repos des nuits — après les longues veillées, bien entendu, — l’esprit enfiévré ne peut s’arrêter et, machine trop bien lancée, il continue le travail pendant le sommeil. On rêve affaires, on dort un sommeil cahoté dans le perpétuel cauchemar du travail, des entreprises en cours, des besognes projetées…
« Plus tard ! Je n’ai pas le temps !… Plus tard !… Quand j’aurai fait fortune ! » se disait La Héronnière lorsque des aspirations au calme lui venaient par hasard.
À plus tard les distractions ! à plus tard le mariage ! La Héronnière se plongeait davantage dans l’étude et le travail pour arriver plus vite à son but.
Mais lorsqu’il toucha enfin ce but : la fortune, la brillante fortune, qui devait lui permettre toutes les joies si longtemps repoussées, l’opulent Adrien La Héronnière était un quadragénaire sénile, sans dents, sans appétit, sans cheveux, sans estomac, échiné jusqu’à la doublure, usé jusqu’à la corde, capable tout au plus, avec bien des précautions, de végéter encore quelques années au fond d’un fauteuil, dans un avachissement complet du corps, aux dernières lueurs d’un esprit vacillant qu’un souffle peut éteindre. Ce fut en vain que les sommités de la Faculté, appelées à la rescousse, essayèrent, par les plus vigoureux toniques, de redonner un peu de vigueur à ce vieillard prématuré, de galvaniser cet infortuné millionnaire ; tous les systèmes essayés ne produisirent guère que des mieux passagers et ne réussirent qu’à enrayer un tout petit peu l’affaiblissement.
C’est alors que Sulfatin, ingénieur médical des plus éminents, esprit audacieux cherchant l’au delà de toutes les idées et de tous les systèmes connus, entreprit de reprendre en sous-œuvre l’organisme prêt à s’écrouler et de rebâtir l’homme complètement à neuf.
Par traité débattu et signé, moyennant une série de primes fortement