Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/105

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— Avec le simple téléphone, on a aussi le théâtre chez soi ?…

— Oui, on entend, mais on ne voit pas ! jolie différence ! Voulez-vous en juger ? attendez ! »

M. Ponto se tourna vers le téléphone ordinaire et fit retentir le timbre.

« Mettez-moi en communication avec le Théâtre de chambre ! dit-il. Ce théâtre, mes enfants, reprit-il en se tournant vers les jeunes filles, n’est pas un théâtre.

Le téléphone a fait naître une variété de comédiens, les acteurs en chambre, qui jouent chez eux, sans théâtre. Ils se réunissent le soir dans un local quelconque et jouent sans costumes, sans décors, sans accessoires, sans frais enfin ! C’est le théâtre économique ; malheureusement, il ne peut guère jouer, que la comédie ou le vaudeville !… Ah, voici la sonnerie de réponse ! écoutons ! »

Les voix des acteurs du théâtre de chambre commençaient à s’entendre dans l’appareil téléphonique.

« — Enfin, baronne, vous consentez ?

« — Vicomte, ces deux enfants s’adorent ! et moi qui mettais avec tant d’obstination des bâtons dans les roues de leur bonheur…

« — Me pardonneront-ils jamais ?

« — Ah, madame ! si vous consentez enfin à m’accorder la main d’Angèle, eh bien… eh bien, nous serons deux à vous adorer.

« — Cher Henri !

« — Chère Angèle !

« — Sur mon cœur, mes enfants, je vous unis ! ! »

Le téléphone s’arrêta.

« C’est la fin du cinquième acte, dit M. Ponto… Je vous avoue que cela ne m’a pas beaucoup intéressé…

— Nous sommes arrivés un peu tard, dit Hélène.

— Les théâtres de chambre ont de très bons acteurs, reprit M. Ponto, au grand préjudice des théâtres ordinaires, car lorsqu’un acteur a du talent, lorsqu’il est arrivé à se créer un public, il quitte le théâtre ordinaire pour fonder un théâtre de chambre avec des acteurs à lui ou même sans acteurs, car il joue parfois tous les rôles et se donne la réplique à lui-même. C’est très commode pour cet artiste : sans se déranger, il joue en robe de chambre, au coin de son feu, s’arrêtant de temps en temps pour avaler une tasse de thé…