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je vais voir. Dans tous les cas, je préviendrai M. le Directeur, qui sera heureux de recevoir ces dames. »

Hélène et Mlle Malicorne, sur les pas du concierge, se dirigèrent vers le pavillon central habité par le directeur.

« Vous savez, dit Mlle Malicorne à son élève, que le directeur de la maison de retraite est le plus éminent de nos philanthropes modernes. Membre de l’Institut, classe de philanthropie, il a fondé l’association fraternelle des Criminels régénérés par la douceur, et pour cette entreprise merveilleuse, pour cette œuvre colossale il a obtenu, outre les secours particuliers, l’appui et de fortes subventions du gouvernement. Vous allez voir ce penseur doux et profond, cet homme vénérable qui dompte par la douceur les fauves de l’humanité ! »

Les deux visiteuses, en attendant le directeur, prirent place sur le divan d’un grand salon où quelques personnes causaient dans un langage bizarre qu’Hélène ne connaissait pas, bien que, en sa qualité de bachelière, elle eût une teinture légère de toutes les langues européennes.

Un pensionnaire.
Un pensionnaire.

« C’est de l’argot ! dit tranquillement Mlle Malicorne que son élève interrogeait du regard.

— Alors, ces…

— Ces messieurs ? je les connais presque tous de vue… ce sont des clients. »

Hélène se serra contre Mlle Malicorne.

« Ne craignez rien, ils ont l’air bien tranquilles… ils doivent être régénérés.

M. le Directeur, paraissant tout à coup sur le seuil de son cabinet, calma les craintes d’Hélène. Le digne homme ! tout en lui respirait la philanthropie, son œil austère et doux, son menton replet, son front aux lignes bienveillantes, les méplats de ses joues, ses favoris, sa longue chevelure blanche et son faux col de penseur. La voix elle-même, quand il prit la parole, parut à Hélène onctueuse et régénératrice.

« Mesdames, dit-il, je suis heureux de vous recevoir au sein de cet asile des âmes régénérées. Voulez-vous me permettre de vous en faire les honneurs ?…