Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/288

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Le directeur de Molière-Palace, homme d’esprit, trouva pour lancer sa femme colosse ce que l’on pourrait appeler le comble de la réclame. Tous les citoyens français reçurent un beau matin la dépêche téléphonique suivante : Clara vous attend ! Clara, vous appelle ! Venez vite voir Clara !

Cette dépêche énigmatique brouilla douze cent mille ménages pendant vingt-quatre heures ; il y eut plus de cent mille procès en séparation, intentés par des épouses en proie aux tortures de la jalousie, à l’occasion de cette Clara éhontée qui donnait si ouvertement des rendez-vous à leurs maris ; mais la belle tragédienne était lancée !

La nouvelle dona Sol.
La nouvelle dona Sol.

Deux poètes et quatre machinistes se chargèrent de rajeunir les œuvres de Corneille, de Racine et de Hugo en y ajoutant quelques beautés nouvelles. Cela fut vite fait, ces vieux classiques sont si robustement charpentés qu’ils supportent avec facilité tous les genres d’embellissement et de transformation, sans rien perdre de leur grandeur première ! Clara la belle tragédienne parut dans tous les grands rôles du répertoire tragique ; elle fut Hermione, Chimène, Camille, Phèdre, dona Sol ou Maria de Neubourg et elle fit oublier à jamais les fameuses tragédiennes d’autrefois, qu’elle dépassait à la fois par la taille et par le talent.

Mlle Clairon, Rachel ou Sarah Bernhardt déclamèrent-elles jamais les grandes tirades classiques, en portant Rodrigue, Hernani, Hippolyte ou Britannicus à bras tendu ? Auraient-elles pu soupirer les strophes enflammées de dona Sol avec un canon de 250 kilog. sur l’épaule ?

Le Théâtre-Français faisait chaque soir 45,000 francs de recettes, chiffre que n’avaient pu atteindre les éléphants et les lions savants du dernier succès. Jamais les belles chambrées du mardi ne furent plus brillantes, Hélène épuisait son assortiment d’adjectifs à décrire les toilettes splendides et les chapeaux empanachés qui garnissaient les loges.

Sur ces entrefaites arriva le grand prix de Paris. Les Parisiens ont toujours eu la passion des courses et l’institution du grand prix de Paris date du temps où l’on faisait courir les chevaux. Les dernières courses de