Page:Robida - Le vingtième siècle, 1883.djvu/320

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Les dernières semaines avant les vacances furent agitées. La population surexcitée faillit avancer le grand jour fixé pour l’ouverture des événements et renverser irrégulièrement le gouvernement. Des rassemblements couvrirent les boulevards avant la date annoncée, de farouches et impatients tribuns tonnèrent dans les réunions publiques, les journaux chauffèrent les masses à outrance, tant et si bien que sans l’énergie du ministère, les vacances risquaient d’être gâtées par trop de précipitation.

En arrivant un matin au journal, Hélène trouva l’hôtel occupé par un détachement de soldats et son rédacteur en chef en train de parlementer avec les officiers.

« Et la liberté de la presse, messieurs ! s’écriait-il, que faites-vous de la liberté de la presse ?

— Qu’y a-t-il ? demanda Hélène, prête à se sauver.

— C’est le gouvernement, dit un rédacteur, l’horrible gouvernement qui fait couper les fils de notre téléphone ! l’Époque est supprimée !… Ça va mal ! ça va mal !

— Le volcan populaire va faire explosion ! dit un autre rédacteur.

Le rédacteur en chef de l’Époque.
Le rédacteur en chef de l’Époque.

— Vous ne pouviez donc pas me prévenir ? reprit Hector Piquefol, j’aurais appelé tous mes rédacteurs à la défense de notre journal et vous n’auriez encloué nos téléphones qu’après une prise d’assaut… Quel beau spectacle pour nos abonnés ! Enfin, je vais rédiger une protestation solennelle ! »

Hector Piquefol rassembla ses rédacteurs et les harangua du haut d’une table.

« Mesdames et messieurs ! encore huit jours et le gouvernement inique qui pèse sur notre malheureuse France aura sombré dans l’abîme où, depuis la chute des Capétiens, cinquante-huit gouvernements l’ont précédé ! La révolution est fixée au 2 avril et ce, sans aucune remise, — l’Observatoire, consulté, garantit le beau temps !… Au 2 avril, mesdames et messieurs ! Chacun de nous se rendra à son poste de combat, pour assister à tous les épisodes et donner à nos abonnés un tableau fidèle de la grande révolution de 1953 ! »

Hector continua pendant quelque temps. Il donna ses dernières instructions à chacun de ses rédacteurs, chargea l’un de faire un tableau pittoresque des barricades, donna pour mission à un autre de s’occuper spécia-