Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/104

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que la jeune fille se troublât, se charmât de lui. Il avait un visage noble, et si beau, que toutes les femmes le remarquaient. Wilhelmine souffrait de sa froideur. Au commencement, elle ne demandait que d’être avec lui. Elle rougissait, mais c’était bon de rougir, quand c’était vers le soir et que, grâce à l’ombre, il ne s’en apercevait pas. Elle en éprouvait toute une tiédeur, une caresse de roses, comme si tout à coup elle avait mis son visage dans un bouquet. Quand il était là, elle se sentait une autre, elle avait l’air de s’être retrouvée après s’être perdue, et d’être rentrée dans la maison après un long voyage. Et cette voix de Hans, grave et d’un son qui se continue, elle la voyait pour ainsi dire venir à elle, descendre en elle, éveiller des choses en elle qui bougeaient, s’étiraient, sortaient, s’en allaient, à leur tour, vers lui, et c’était un unisson, un échange, le bon voisinage de deux toits qui mêlent leurs fumées. Premier amour ! Trouble de tout l’être ! Émoi d’on ne sait quoi !