Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/119

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donné le sentiment d’une force, d’une ardeur, à conquérir le monde !

Cependant la glace du canal étant trop froide aux pieds, Hans voulut remonter sur la rive ; il aida Wilhelmine à gravir la berge dont les herbes étaient glissantes de givre, la hissant, la tirant par la main, tandis que les deux mères souriaient à regarder leur gracieuse ascension.

Wilhelmine avait frémi en sentant sa main serrée dans la main de Hans, une main solide vraiment, et qui prouvait que sa santé n’était débile que par sa faute et son genre de vie.

Ah ! cette étreinte qui, de sa part, n’était que machinale, sans que rien de son âme ne fût descendu dans ses doigts, comme elle troubla Wilhelmine, lui fut un contact délicieux, qui se propagea par tout son être, comme s’il avait écrasé dans sa paume un fruit odorant, vidé une fiole, et que le jus, le parfum, atteignaient tous ses membres, s’inoculaient dans tout son sang.

Elle aurait bien voulu rester ainsi,