Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/169

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le ciel ; et puis aussi, défaillance, engloutissement, comme si, une minute, on descendait au fond d’une mer qui serait de vins et de parfums ! Hans remémorait, analysait. Mais, — chose curieuse, — tout en songeant à l’Acte, il ne pensait presque pas à la femme. Ursula elle-même avait eu l’air de lui rester si étrangère !… Ils ne s’étaient vraiment joints qu’en cela. C’est qu’elle n’avait fait, sans doute, qu’accomplir la destinée implacable et la mission secrète du Démon. Hans le sentait bien à présent, dans l’évidence et la sincérité du jour. Elle était venue la veille au soir, profitant des ténèbres qui sont mauvaises conseillères, lui offrir le fruit du péché. Ève éternelle ! Peut-être qu’elle n’était pas coupable. Peut-être qu’elle fut tentée et leurrée elle-même. Hans ne lui en voulait pas. C’est le Démon qui s’est fait chair en elle, qui parla par sa bouche, qui mit dans ses baisers un feu qui ne pouvait être que celui de l’Enfer.

Comment avait-il cédé, lui, l’élu de Dieu, tout nanti de la Grâce, lui, l’ap-