Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/77

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qu’il fût vivant pour les autres et mort pour elle seule.

Or Wilhelmine venait d’avoir dix-sept ans, belle de cette beauté brune qu’on rencontre parfois en Flandre. C’est un reste de l’influence espagnole dans le sang. Car les grâces blondes constituent le type foncier de la race. Est-ce que les cheveux blonds ne sont pas nés durant le jour ? Est-ce que les cheveux noirs ne sont pas nés durant la nuit ? Or, l’Espagne, ce fut la nuit en Flandre.

La fille de Mme Daneele était séduisante, l’air très douce, malgré ses cheveux ténébreux et ses yeux qui concordaient, des yeux de velours foncés. Et une langueur pensive, une timidité charmante qui, à chaque instant, mettait une rougeur sur son teint mat, le ton du ciel quand l’aube va devenir le jour.

Mme Cadzand aimait beaucoup la jeune fille ; elle affectionnait aussi sa mère, une des seules amies qu’elle fréquentât dans l’existence close et solitaire qu’elle avait menée depuis