Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’occupa jusqu’à sa dernière heure de corriger de nouveaux vers, ceux qui ont constitué les poésies posthumes et contiennent ses chefs-d’œuvre : Jours d’Orient, la Couronne effeuillée, les Roses de Saadi.

Et n’est-il pas naturel, après une telle vie, qu’il semble en la lisant — comme elle a dit d’un autre — qu’on sente souffrir le livre dans ses mains ?

D’ailleurs même avec une destinée clémente, elle eût été malheureuse. Elle fut de ces sensitives se tourmentant elles-mêmes, souffrant pour de » riens, pour des nuances. Elle fut de ces inquiètes qui peuvent dire comme Lamennais : « Mon âme est née avec une plaie. »

Or cette plaie native s’élargît et saigna par l’amour. Valmore a surtout aimé. Toute femme qui écrit peut se définir d’un mot, celui qu’elle-même, à son insu, emploie le plus fréquemment. Ainsi le mot « étreindre » pour George Sand. Quanta Valmore, son verbe serait « aimer ». Toute sa souffrance vient de l’amour, et aussi son génie. Celui-ci, est tout amour. Sapho moderne, elle a trouvé, pour exalter et regretter son premier amour mort, des accents frémissants — flammes et roses ! — qui dépassent de