Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Son opinion est conforme aux séculaires préjugés de la littérature sacrée, puisque les saints Pères estiment que la femme est un vase plein de péché, et puisque Bossuet lui-même a écrit sur leur vanité cette phrase de suprême ironie : « Les femmes n’ont qu’à se souvenir de leur origine, et, sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu’elles viennent d’un os surnuméraire où il n’y avait de beauté que celle que Dieu voulut y mettre. »

La femme est avant tout, pour les théologiens, une occasion de péché, et Baudelaire pense de même. Elle est, maintenant encore, l’alliée du Tentateur. Elle est elle-même le Tentateur. Et l’amour qu’elle nous offre a un caractère satanique. Le poète en trouvait la preuve dans l’habitude des amants — une habitude enfantine, inconsciente, mais vérifiée partout — de s’interpeller dans leurs jeux par des noms de bête : « Mon chat, mon loup, mon petit singe, grand singe, grand serpent… » De pareils caprices de langue, ces appellations bestiales témoignent d’une influence satanique dans l’amour. « Est-ce que les démons ne prennent pas des formes de bêtes ? » demandait-il.

Et cela se voit, en effet, dans les tableaux des Primitifs et aussi dans ceux des petits maîtres du Nord, qui, peignant fréquemment des Tentations, celle de saint Antoine ou d’autres saints,