Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

primesautier, dont la mère, à son lit de mort, avait joint les mains pour la vie sans se douter qu’elle les joignait pour l’œuvre et en faisait des jumeaux de la gloire.

Tout s’élucide maintenant : ils assemblaient de concert les matériaux, les documents : puis écrivaient tour à tour ou ensemble, gardant le meilleur de la version de chacun, fondant les deux textes souvent qui étaient déjà presque pareils. Cette similitude est toute naturelle quand on s’aime, — et qui s’aima mieux que ces deux frères ? La ressemblance est le signe même et le miracle quotidien de l’amour. On en vient à penser ensemble, à penser la même chose. Est-ce que, au surplus, il n’arrive pas que, même physiquement, les amants finissent par se ressembler ? C’est tout le secret de cette intime collaboration des Goncourt. Eux-mêmes le constataient dans leur Journal : « Jamais âme pareille n’a été mise en deux corps. » Ce n’étaient même plus deux âmes ressemblantes, mais une seule âme en un double être. Et les objets entraient et vivaient dans chacun et dans tous les deux à la fois, comme les objets qui sont entre deux miroirs face à face.


Néanmoins dans la vie des Frères Zemganno il apparaissait que Gianni, l’aîné, avait surtout des « dispositions réflectives ». C’est lui qui