Page:Rodenbach - La Belgique, 1880.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Mais les tyrans toujours provoquent des martyrs,
Et les têtes roulant sur les places publiques
Suscitent aux bourreaux de subits repentirs,
Quand on vient leur voler ces saignantes reliques.

De Hornes et d’Egmont, vous tous morts immortels,
Dont le sang féconda notre sol comme un fleuve,
Vos échafauds rougis vous ont servi d’autels
Et l’Histoire a pleuré sur vous comme une veuve !

Trois longs siècles après, le peuple exaspéré
Se révolta, dressant partout des barricades,
Pour tenter un effort viril, désespéré,
Tandis que les canons détonnaient par saccades.

Les Liégeois, conduits par Rogier, étaient là :
Sous leurs blouses battaient des âmes héroïques ;
Et bientôt l’ennemi tel qu’un flot s’écoula,
Tant nos conscrits d’hier avaient été stoïques !

Dans le pays entier tous s’étant soulevés,
Après trois jours de sang, de luttes et de transes,
La Liberté naquit sur un tas de pavés,
Car tout enfantement se fait dans les souffrances.