Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/24

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génie propre de votre patrie flamande vos propres pensées ; demandez-lui des tours de langage, des expressions, des images. Avec le talent que vous avez prouvé dès la première heure, dès ce premier volume qui s’ouvrait par la charmante pièce du Coffret, vous réussirez.

Adieu, mon cher poète. Vous êtes de ceux qui peuvent laisser une page durable. Peut-être l’avez-vous écrite à l’heure où je parle, mais vous la trouverez sans doute, et bien à vous, en suivant l’inspiration flamande que vous annoncez. Faire de bons vers ne suffit plus en un temps où les procédés sont si répandus ; il faut en plus que le sujet même et l’âme même du poète les fassent distinguer dans le grand nombre des bons vers nouveaux.

On ne saurait faire un plus beau souhait à un poète : laissez une page dans les anthologies. Les pessimistes diront que cela n’est rien, mais riez de ces pères de famille heureux et souriants qui, du haut de leur chaire, déclarent douloureuse la volupté de l’amour. Les philosophes en général diront qu’une immortalité de deux cents ans ou de trois mille n’est rien dans l’éternité, mais cela est quelque chose, comparé à la durée moyenne de la créature humaine qui vit une soixantaine d’années. Méfions-nous des transcendances, des raisonnements admirables qui s’appliquent à l’homme dans le