Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/109

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Quant au maçon, c’était presque un homme nouveau :
Le coup avait lésé sans doute le cerveau,
Car depuis ce moment il était irritable,
Ne voulait pas manger ce qu’on servait à table,
Trouvait la maison sale et son air étouffant
Et n’aimait même plus sa femme et son enfant !…
Son ardeur à l’ouvrage était bien refroidie,
Il ne travaillait plus depuis sa maladie
Et, malgré la misère et malgré le besoin,
Il passait sa journée au cabaret du coin
Avec quelques oisifs et quelques mauvais drôles.
Ces fainéants parlaient de jouer de grands rôles,
Pour niveler bientôt les hommes et les monts,
Et maudissaient les rois, criant à pleins poumons,
Parmi le choc brutal de leurs grands pots de bière,
Qu’on ferait à chacun de son trône une bière !…
Le maçon, avec eux, criait et s’enivrait :
Et le soir, à tâtons, quittant le cabaret
Sous le reflet blafard du gaz dans les ténèbres,
Il cherchait sa maison. De loin des cris funèbres
Et de vagues sanglots disaient que c’était là.
Il s’arrêtait alors… Il connaissait cela :
« Sa femme pleurnichait… c’était son habitude !… »
Il lui criait d’ouvrir vite de sa voix rude,