Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/58

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D’agencer les morceaux qu’on pourrait recoller ;
L’orphelin sombre, pâle, effrayant, sans parler,
Furtivement s’était esquivé de la chambre !

La nuit était tombée, une nuit de novembre
Pleine d’ombre où la neige égrenait ses flocons ;
Le vieux, pour s’abriter, marchant sous les balcons,
N’arriva que très tard devant la maisonnette.
Reconnaissant sa toux et son coup de sonnette,
La servante entr’ouvrit la porte, tout en pleurs.
L’antiquaire aussitôt devina des malheurs :
— » Qu’est-ce ?…lui cria-t-il, le portrait ?… — « Encor pire »,
Fit la servante. — « Alors…c’est l’enfant ?… »
                                                                      — « Il expire.
« C’est horrible, monsieur !… Venez vite, venez.
« Il a fermé les yeux…l’eau coule de son nez,
« Sa figure est bouffie… et sa lèvre est crispée…
« Quand vous êtes parti, moi j’étais occupée,
« Et lui se faufila doucement, en secret,
« Dans le petit musée où pendait le portrait.
« Il l’a brisé, monsieur !… puis ayant peur peut-être
« De vous voir en colère, ô pauvre petit être !
« Comme je le grondais, il me quitte en pleurant.
« Soudain j’entends dehors un grand cri déchirant ;