Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/97

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Devant un crucifix de cuivre à la muraille,
Et disait à l’enfant de baiser la médaille,
Puis dans son berceau bleu le couchait mollement,
Essayant qu’il lui dit tout bas : « bonsoir, maman »,
Ou qu’en joignant les mains il dit de sa voix tendre
Le doux nom de Jésus incliné pour l’entendre !…
Mais elle s’épuisait à cela vainement :
L’enfant lui répondait par un vagissement
Triste et mystérieux, comme un flot qui se brise
Contre un écueil, ou comme une plainte de brise
Frôlant les arbres morts dans les nuits de printemps ;
Et la mère disait : « Il n’est pas encor temps !
Il parlera demain… il faut bien qu’il commence !… »
Puis chantant une vieille et naïve romance
Elle agitait du pied le berceau de l’enfant,
Qui dans ses draps neigeux se roulait triomphant !…
Quand le sommeil fermait ses paupières lassées
Sur ses yeux vifs, ainsi que des ailes baissées,
Et que, la bouche ouverte, il semblait rire encor
Au rêve qui jetait sur lui son rayon d’or,
La mère s’inclinait, craintive, sur sa couche,
L’embrassait sur le bord arrondi de la bouche,
Et toute réchauffée à ce baiser si cher
En gardait le frisson virginal dans sa chair ;