Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/108

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Elles ont des blancheurs frileuses de colombe
Et, sveltes, on dirait qu’elles vont s’envoler.
Elles font sur l’air des taches surnaturelles
Comme si du nouveau clair de lune en chemin
Entrait par la fenêtre et se posait sur elles.
Or la pâleur est la même sur chaque main,
Et le malade songe à ses mains anciennes ;
Il ne reconnaît plus ces mains pâles pour siennes ;
Tel un petit enfant qui voit ses mains dans l’eau.

Puis le malade mire au miroir sans mémoire
— Le miroir qui concentre un moment son eau noire –
Ses mains qu’il voit sombrer comme un couple jumeau ;
Ô vorace fontaine, obstinée et maigrie,
Où le malade suit ses mains, dans quel recul !
Couple blanc qui s’enfonce et de plus en plus nul
Jusqu’à ce que l’eau du miroir se soit tarie.
Il songe alors qu’il va bientôt ne plus pouvoir
Les suivre, quand sera total l’afflux du soir
Dans cette eau du profond miroir toute réduite ;
Et n’est-ce pas les voir mourir, que cette fuite ?