Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/118

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Douceur qui vient de la douleur qui désabuse,
Et de se sentir seul puisqu’on est anormal ;
Douceur qui vient de l’isolement dans son mal,
La maladie étant une autre solitude.
On est le saule au bord d’une eau d’incertitude,
Inquiet seulement de son vague reflet
Qui s’éteindrait dans l’eau si quelque vent soufflait.

On redevient de la douceur originelle ;
Tous les rêves qu’on fait ont à présent une aile,
Et cette douceur d’âme irradie au dehors,
Si bien que le visage a des pâleurs d’hostie,
Visage eucharistique et dont on communie !
Et l’on redevient doux comme un appel de cors,
Comme on l’est quand on cause à la fin d’un dimanche ;
On dirait que soudain la voix s’est faite blanche
Pour parler de la vie ainsi que d’un exil,
Ô calme voix qu’à peine un peu le couchant fonce,
Le calme son de voix de celui qui renonce,
Un son de voix déjà céleste et volatil,
Sauf aux instants de mal physique où l’on s’énerve ;
Mais combien de trésors de douceur en réserve !