Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/128

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Il en est que naguère abandonna la mer
Comme un grand amour qui tout à coup se retire ;
Et, depuis ce moment, ces villes ont un air
De se survivre, en appelant quelque navire.

Dans telles, c’est comme une odeur de vermoulu ;
Dans telles, c’est toujours comme s’il avait plu.

Il en est de plus infirmes que des aïeules,
Dont les murs ont des blancs de linges démodés
Et des noirs de robes de veuves vivant seules.

Celles aux murs perclus, aux pignons lézardés
Ont sur elles comme des rides de vieillesse.

Celles, jeunes encor, dont la croissance cesse,
Celles aux terrains nus où l’on ne bâtit pas,
Souffrent du mal secret de devenir pubères ;
C’est leur sang qui palpite au pouls des réverbères ;
Et dans la tour qui ment à l’espoir du compas,
Dans l’église qui reste inachevée et vaine,
C’est leur propre existence aussi qui s’interrompt.