Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/162

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Prolongement sans fin. Survie ! Aubes lointaines !
Ciel qui met dans les puits de bleus caparaçons !
Nuages habitant les prunelles humaines !

Tout le passé qui s’y garde, remémoré !
Tout ce qui s’y trahit qu’on croyait ignoré :
Les vœux qu’on viola ; les seins que nous fleurîmes ;
Et le regard qu’on eut en pensant à des crimes ;
Et le regard qu’on eut, pris d’un dessein vénal,
Fût-ce un instant, jadis, devant des pierreries
— Trésor qu’on troquerait contre ses chairs fleuries –
Et qui fait à jamais, de l’œil, l’écrin du Mal.

Car tout s’y fige, y dure ; et tout s’y perpétue :
Désirs, mouvements d’âme, instantané décor,
Tout ce qui fut, rien qu’un moment, y flotte encor ;
Dans l’air des yeux aussi survit la cloche tue,
Et l’on voit, dans des yeux qui se croient gais et beaux,
D’anciens amours mirés comme de grands tombeaux !