Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/195

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Sur l’eau frêle des yeux court un pressentiment ;
Puis l’âme a revécu ses lendemains de fête ;
Ô rêve, où toute la Destinée apparaît !
Car le sommeil a fait en nous du clair de lune
Où toute notre vie afflue et ne fait qu’une :
Vieux souvenirs tels que des cors dans la forêt ;
Maux futurs dont on sent le vent de l’aile presque ;
Le passé, l’avenir – en une seule fresque…
Phénomène du rêve où tout s’unifia !

L’espace s’est fondu dans le temps qui s’abroge ;
Est-ce qu’on sait encor les pays qu’il y a ?
Et, comme un puits tari, se dénude l’horloge.
Rêver, c’est se prévoir en son éternité !
Vie anticipative ! Ô fantasmagorie !
Patrimoine divin qu’on aurait escompté :
N’est-ce pas, pour notre âme, une avance d’hoirie
Sur sa vie immortelle et sur sa part de ciel
Que cette clairvoyance au delà du réel,
Ô prunelles soudain devenant plus lucides ?
Car le sommeil, pour y capturer l’horizon,