Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Oui ! c’est vrai que notre âme au monde se fiance !
Mais qu’est-ce de mirer la simple vie humaine
Quand, dans ses profondeurs, s’ouvre un divin domaine :
Tout le royaume glauque de l’Inconscience.

Qui l’eût prévu sous cette calme nappe d’eau ?
Voici le gouffre et les richesses sous-marines :
Un idéal trop beau, tombé comme un fardeau,
Et des rêves, petites algues argentines…

Puis le corail des belles lèvres attendues,
Et, par delà des sables d’or, la grotte triste
D’un amour trop rêvé qui nulle part n’existe,
Et qu’on leurre en aimant quelques pâles statues.

Vaste abîme du fond de l’âme, insoupçonné :
Un rêve qu’on croyait mort et qui continue,
Des désirs s’ébauchant dans une argile nue,
Un orgueil qui, dans l’ombre, est un roi détrôné.