Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


VIII

On est toujours enfant par la crainte du soir !
C’est l’heure grise et l’heure en deuil qui terrorise…
L’âme s’y sent plus désertée et plus déprise,
Et l’élude un moment dans l’éclat du miroir ;
Mais l’ombre s’accumule et tout nous décolore,
Cygne sur l’eau que peu à peu l’ombre incorpore…
Or, n’est-ce pas déjà comme apprendre à mourir
Que se perdre soi-même ainsi, sans qu’on le sente,
Dans cette ombre d’instant en instant grandissante ?
Mourir, c’est se chercher en se voyant s’enfuir
Et s’en aller au fond d’une ombre où l’on surnage,
Obscurité de Dieu dont le soir est l’image !