Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/75

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XIII

Le bouquet rose et bleu s’alanguit jusqu’au mauve
Dans l’ombre lente et qui, pour un moment, le sauve ;
Il s’incline, l’air triste, et comme s’il songeait…
Car l’ombre s’insinue en lui, le décolore,
Et, sentant sa fin proche, il meurt à tout projet.
Quelle est cette alchimie en deuil qui le déflore
Et, dans l’ombre, quels sont ces acides latents ?
Quel poison est le soir, pour qu’à son influence
Tout bouquet se déprenne et qu’il se dénuance,
Comme des fleurs d’ancienne étoffe en proie au temps ?
Lors le bouquet abdique ; il meurt à toute envie ;
Il s’est reclos sur lui-même ; il a renoncé,
Se sentant devenir de plus en plus foncé,
Et, libre enfin, avec l’ombre s’identifie.