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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

sait comme un lutteur glorieux contre sa poitrine ; il le montrait du geste à La Boëssière et à Platon.

— Tu n’as qu’une écorchure à ce doigt, dit-il en visitant l’une des mains du marquis ; mais tu l’as tué, tu l’as tué en bonne et loyale défense ! Encore une fois, raconte-moi ce duel ; dis-moi, Maurice, comment tu as pu quitter ton régiment, et pourquoi tu collais encore en entrant ton oreille contre ma porte comme si tu eusses craint que l’on ne vînt te saisir ici ?…

— L’affaire est bien simple, répondit Maurice. J’ai quitté mon régiment parce que mon régiment lui-même me quittait. Mes soldats se sont soulevés ; mes soldats, soudoyés tous par ce misérable agent du duc, par cet odieux de Vannes ! Oui, l’or de son maître a porté coup ; oui, la rébellion a levé la tête et déchiré mon drapeau… Cette épée, Saint-Georges, cette épée rougie du sang d’un traître, elle est désormais inutile, elle ne peut rien pour le service du roi ! Cette épée, je vais la briser, car d’aujourd’hui je ne veux plus commander à des parjures !… Depuis quelque temps d’ailleurs, poursuivit lentement Maurice, la mort a tout fauché autour de moi : ma mère d’abord, ma mère, dont la fin est encore pour moi une sombre et sanglante énigme ; ma mère, joyeuse la veille et que l’on a trouvée devant un fourneau d’alchimie, empoisonnée, avec un flacon entre ses mains ! Pour ce vieillard, notre père à tous deux, je viens hier de lui fermer moi-même les yeux. Je l’ai vu, moi qui te parle, s’éteindre dans les larmes et les regrets, car il déplorait amèrement son injus-