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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/231

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TIO-BLAS.

voyais triste, mourante, en proie au besoin peut-être ! Notre intrigue pouvait se découvrir d’un moment à l’autre ; qu’eussiez-vous fait, faible femme, devant le courroux de M. de Langey ? Toutes ces pensées échauffaient mon sang, elles redoublaient mon anxiété. J’avais fui le jeu, les cercles, les plaisirs, je ne voyais que vous qui puissiez me rendre le travail léger ! Dans quelques mois, j’allais vous rejoindre ; dans quelques mois, votre amour saurait me venger du sort !

« Rêves insensés, aveugles ! mon étoile fatale ne devait-elle pas m’avertir que je ne bâtissais que sur le sable ? Il n’y avait pas un mois que j’étais de retour à San-Yago lorsque je reçus avis que des six vaisseaux frêtés par moi en compagnie des plus riches marchands de la ville, un seul avait échappé, un seul qui venait nous apporter lui-même la nouvelle de ce désastre. Nos bâtimens de Tripoli, de Lisbonne, de l’Angleterre, de l’Inde, de la Barbarie, perdus, engloutis ou capturés par les corsaires ! C’étaient la désolation et la misère qui allaient planer sur nos têtes ! Comme si rien ne devait manquer à mon malheur, ce fut moi que ma compagnie choisit pour aller trafiquer au Mexique de ses dernières ressources. Lorsque je m’étais établi dans le pays, ces mêmes hommes m’avaient fait les premières avances ; à cette heure, ils remettaient entre mes mains leur avenir, leur crédit ! Pouvais-je résister aux supplications qu’ils m’adressaient ? Le souvenir de leurs adieux se retrace encore à mon imagination dans toute sa force… Je ne crus pas devoir hésiter, je quittai l’île !

Arrivé au Mexique, il me sembla d’abord que la