ment à son masque ancien de beauté ; ses cheveux gardaient un luisant de jais, son œil palpitait brillant comme la flamme d’un flambeau qui va s’éteindre. La fièvre donnait à ses joues une couleur livide et plombée ; mais ce site aride et plein de maigreur s’était vu peut-être autrefois réjoui par les fraîches brises, ce visage d’esclave avait eu la jeunesse et la fraîcheur du fruit. À vingt ans, une négresse est déjà vieille aux colonies, pour peu qu’elle ait servi d’instrument et de ragoût au libertinage ; celle-ci, qui en avait à peine vingt-huit, n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même. Le soleil des Antilles, la fièvre et la misère avaient consommé leur œuvre sur elle comme autant de génies irrités. Le blanc de son œil était imbibé de ces pleurs avares dont la résignation seule contient la digue. Sous cet ensemble inculte et ces infirmités précoces perçait toutefois une force inouïe de volonté. Son visage exprimait à la fois la résolution et la souffrance. La tête nue, le corps à peine couvert d’un tanga en lambeaux, cette créature hébétée pinçait machinalement les cordes de son banza, contemplant avec une fixité de regard stupide la danse de deux enfans au fond de la hutte, et s’inquiétant peu du bacchanal triomphant que faisait l’orage.
Tandis qu’ils brossaient de leur pied endurci la terre poudreuse de l’ajoupa, en dansant au son de sa musique, elle prêtait machinalement l’oreille aux paroles inintelligibles que le vieux nègre guinéen marmottait en touchant d’une main hardie les charbons du feu. Cet homme, accueilli par la négresse