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L’AJOUPA.

dans l’ajoupa aux premiers coups de la foudre, paraissait exercer une sorte de terreur magique sur son esprit ; il venait de quitter la natte où figuraient encore les bananes boucanées pour le repas, quelques herbes cuites et des crabes. Ceux qui connaissent la secte idolâtre appelée du nom de vaudoux, à Saint-Domingue, l’auraient peut-être accusé de n’être point alors dans tout le charlatanisme de son costume. En effet, il ne portait guère que son collier de dents de caïman, une culotte courte de nankin, retenue au genou par deux boucles d’acier bruni escroquées à quelque créole, des plumes de toutes couleurs entremêlées à l’aventure dans ses cheveux, et un fétiche assez laid sur la poitrine. Son menton et ses joues n’étaient pas ce soir-là colorés, comme de coutume, de ce rouge vif qui imite le sang, et il s’était dispensé de porter à toutes les articulations les paquets de têtes de couleuvres, talismans inséparables de sa secte.

Assis devant les tisons de l’âtre, il poursuivait en lui-même une sorte de conjuration mystérieuse…

La négresse avait placé à côté de lui une bouteille de tafia, comme pour le payer d’avance de ses frais cabalistiques, et s’entretenait de temps à autre avec lui en langage guinéen. Le blanc qui fumait dans sa hutte semblait à peine l’occuper, et, bien qu’il fût gérant de la cotonnerie dont elle dépendait, elle avait cru faire assez pour lui en rassemblant, sur une natte à part, quelques pommes roses et des sapotilles choisies.

La chica finie, les deux enfans qui l’avaient dansée