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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/13

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car tel est le drame de Lope et de Calderon. Dans le siècle où naquit la Célestine, c’est-à-dire au temps de la grande Isabelle et de Ferdinand d’Aragon, à la place de cette vivacité, de ce tumulte de sentiments, il y avait, dans les mœurs de l’Espagne, le calme sentencieux des mœurs arabes, la noble passion, l’esprit chevaleresque des maîtres de Grenade et de Cordoue, le génie moraliste et doctoral qui domine dans le Conde Lucanor, et qui se retrouve encore dans le Don Quichotte, plus jeune de quatre-vingts ans que la Célestine.

La Célestine n’est pas un roman ; et dans la forme dialoguée admise par l’auteur, dans cette division par faits accomplis, par autos (actes) ou jornadas (journées), il est facile de remarquer l’intention d’en faire plus qu’un récit, plus qu’un roman comme ceux du temps. C’est positivement une œuvre théâtrale, au point de vue de l’époque, une pièce plutôt faite pour la scène, et son titre l’indique suffisamment (tragi-comedia), que les premiers essais de Juan Ruiz, de Gonzalès de Mendoza, que la comedieta de Ponza du marquis de Santillane, et au moins aussi représentable que les petits drames, les églogues de Juan de la Encina et les premières comédies de Torrès Naharro.

Telle est, en effet, l’opinion du savant Moratin[1] :

« La tragédie grecque se forma de ce qu’avait laissé Homère ; de même, la comédie espagnole dut ses premiers éléments à la Célestine, Cette nouvelle dramatique, écrite en excellente prose castillane, avec une fable régulière, variée à l’aide

  1. Discours historique sur les origines du théâtre espagnol.