Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/140

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Dieu que tu seras meilleur pour moi à l’avenir et que tu changeras de conduite avec le temps. Comme on dit : « les habitudes varient comme les cheveux et les goûts, » c’est-à-dire, mon fils, à mesure qu’on vieillit et qu’on voit de nouvelles choses. La jeunesse ne pense qu’au présent, mais l’âge mûr ne néglige ni présent, ni passé, ni avenir.

Si tu t’étais souvenu, mon fils Parmeno, de l’amour que j’avais pour toi, la première demeure que tu eusses choisie en arrivant dans cette ville eût été la mienne ; mais vous autres jeunes gens, vous vous inquiétez peu des vieillards, vous vous dirigez au hasard, vous ne pensez jamais que vous avez ou que vous pouvez avoir besoin d’eux, vous ne songez pas aux infirmités ; vous ne croyez jamais que puisse vous manquer cette brillante fleur de jeunesse. Mais sache donc, ami, que pour des besoins comme ceux-là, c’est un bon refuge qu’une vieille qu’on connaît, une amie, une mère et plus qu’une mère ; une bonne demeure pour bien se reposer quand on est en santé ; un bon hôpital pour se soigner quand on est malade ; une bonne bourse pour le besoin ; une bonne caisse pour garder l’argent dans la prospérité ; un bon feu d’hiver entouré de broches ; un bon ombrage pour l’été ; une bonne taverne pour boire et manger. Que diras-tu à tout cela, petit fou ? Je sais bien que tu es honteux de ce qui t’est échappé ce matin, mais je ne veux de toi rien autre chose ; Dieu ne demande au pécheur que de se repentir et de s’amender.

Vois Sempronio, avec l’aide de Dieu, j’en ai fait un homme : je voudrais que vous fussiez ensemble comme frères, car si tu étais bien avec lui, tu le serais avec ton maître et avec tout le monde. Vois comme il est bien accueilli, diligent, courtisan, serviable, gracieux ; il recherche ton amitié ; votre profit s’accroîtrait si vous vous donniez mutuellement la main. Tu sais qu’il faut que tu aimes si tu veux être aimé : on ne pêche pas des truites sans se mouiller les chausses70 ; Sempronio ne te doit rien ; c’est une simplicité que