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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/144

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maison ; ils se culbutaient les uns par-dessus les autres quand elle les appelait : ils n’osaient pas lui dire de mensonges, tant elle avait de puissance sur eux ! Depuis que je l’ai perdue, je ne leur ai pas entendu dire un seul mot de vérité.

Parmeno, à part. Dieu tienne compte à la bonne vieille du plaisir que me font ses paroles et ses louanges !

Célestine. Que dis-tu, Parmeno, mon bien-aimé, mon fils et plus que mon fils ?

Parmeno. Je me demande comment ma mère pouvait avoir cet avantage, puisque les paroles que vous disiez toutes les deux étaient les mêmes.

Célestine. Comment ? cela t’étonne ? Ne connais-tu pas le dicton : « Il y a grande différence de Pierre à Pierre ? » Nous ne possédons pas toutes à un si haut degré cette faculté de ma commère. N’as-tu pas vu dans tous les états de bons et de mauvais ouvriers ? Telle était ta mère (Dieu conserve son âme !), la première de notre métier, connue pour telle et aimée de tout le monde, des cavaliers, des clercs, des hommes mariés, des vieillards, des jeunes gens et des enfants. Et les jeunes filles, les demoiselles ? elles priaient Dieu pour elle comme pour leurs propres parents. Elle avait affaire à tous, à tous elle parlait. Si nous sortions dans la rue, tous ceux que nous rencontrions rappelaient marraine, car elle avait été sage-femme seize ans. Aussi, bien que tu n’aies pas eu connaissance de ses secrets, en raison de ton jeune âge, il est raisonnable que tu les saches aujourd’hui, puisqu’elle n’est plus de ce monde et que tu es homme.

Parmeno. Dis-moi, mère, lorsque la justice te fit arrêter à l’époque où j’habitais chez toi, vous connaissiez-vous beaucoup ?

Célestine. Si nous nous connaissions ! Me dis-tu cela pour rire ? Nous avions fait le coup ensemble, ensemble on nous vit, ensemble on nous prit et on