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nombre de biographes, que le premier acte, sans nom d’auteur, manuscrit, suivant la grande majorité des écrivains qui en ont parlé, imprimé s’il faut en croire une opinion qui paraît hasardée et qui me semble n’être fondée que sur la tradition[1], courait la société castillane et émerveillait chacun, autant par l’abondance et la profondeur de ses maximes philosophiques, que par une pureté, une élégance de style qu’aucun ouvrage espagnol n’avait encore su réunir.

Quelques savants attribuèrent cette première partie à Juan de Mena, poëte cordouan qui vivait sous le règne du roi don Juan II, et que ses contemporains ont surnommé l’Ennius castillan ; mais cette opinion, au moins hasardée, ne rencontra qu’un petit nombre de partisans : elle ne s’appuyait sur aucune preuve ; on ne connaissait de Juan de Mena que des œuvres en vers[2], et ni leur style, ni leur genre ne s’accordent avec le style et le genre du premier acte de la Célestine.

Ces premières suppositions ne furent, du reste, que vaguement établies ; elles n’avaient point de fondements assez solides pour se maintenir ; les

    La rivière est gelée, la foudre est tombée, Grenade est prise, le roi vient aujourd’hui… Y aura-t-il là de quoi te surprendre ? »

  1. Il est peu probable qu’une œuvre inachevée ait été livrée à l’impression, et ce n’a pu être, en admettant cette opinion, que très-peu d’années avant 1492, puisque le premier ouvrage sorti des presses, en Espagne, est l’édition catalane du Tiran le blanc, de Juan Martorell (Valence, 1480, in-folio). Moratin, dans son Discours historique, dit positivement :
    « Quelque temps auparavant courait manuscrite, parmi les curieux, toute la partie qui compose le premier acte. »
  2. Juan de Mena mourut en 1456. On a conservé de lui un poëme intitulé el Laberinto, ô las Trescientas Coplas, et deux élégies : Muerte del Conde de Niebla et Muerte de Lorenzo Davalos.