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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/194

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pour sa peine, vous ferez mieux ; c’est là ce qu’attendent ses paroles.

Calixte. Tu as raison. Ma mère, je suis convaincu que mes faibles dons ne parviendront jamais à payer tes soins et tes services. En place de mante et de robe, dont les ouvriers auraient pris leur part, reçois cette petite chaîne, mets-la à ton cou et achève ton récit et mon bonheur.

Parmeno, à part. Il appelle cela une petite chaîne, ne l’entends-tu pas, Sempronio ? La dépense lui coûte peu ; je te certifie qu’aujourd’hui je ne donnerais pas ma part pour un demi-marc d’or, pour peu que la vieille partage.

Sempronio. Notre maître va t’entendre, il nous faudra l’apaiser et toi te guérir, tant il va être ennuyé de tes murmures continuels. Par amitié pour moi, frère, écoute et tais-toi ; Dieu t’a donné pour cela deux oreilles et rien qu’une langue95.

Parmeno. Le diable les écoute. Le voilà pendu à la bouche de la vieille, sourd, muet et aveugle ; il est comme un corps sans âme ; à tel point que si nous lui faisons la figue, il va dire que nous levons les mains au ciel, et que nous prions pour le succès de ses amours.

Sempronio. Tais-toi, silence ! écoute bien Célestine ; en conscience, elle mérite tout et plus qu’il ne lui donne ; elle parle bien.

Célestine. Seigneur Calixte, vous avez agi avec beaucoup de libéralité envers une pauvre vieille comme je suis ; mais comme tout don ou cadeau se juge grand ou petit selon celui qui le donne, je ne puis parler de mon peu de mérite, que vos largesses surpassent en qualité et en quantité, mais de votre magnificence, près de laquelle il n’est rien. En retour de cette immense générosité, je vous rends votre santé, qui était perdue, votre cœur, qui s’en allait, votre raison, qui s’altérait. Mélibée souffre pour vous plus que vous ne