Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/208

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morts, chasse vite, va vers la maison de Célestine, pour qu’ils ne nous coupent pas le chemin de notre logis.

Parmeno. Fuis, fuis ! comme tu cours peu ! Ô pécheur que je suis ! s’ils doivent nous atteindre, laisse là le bouclier et le reste.

Sempronio. Auront-ils tué notre maître ?

Parmeno. Je ne sais, ne me dis rien, cours et tais-toi ; c’est là le moindre de mes soucis.

Sempronio. Hé, hé, Parmeno, reviens, reviens sans bruit, ce ne sont que les gens de l’alguazil, qui passaient en tumulte dans l’autre rue.

Parmeno. Assure-t’en bien ; ne te fie pas à tes yeux, car ils jugent souvent sans réflexion. Il ne m’était pas resté une goutte de sang ; j’étais déjà aux prises avec la mort ; il me semblait qu’ils me donnaient des coups sur les épaules. Sur ma vie, je ne me souviens pas avoir eu jamais si grand’peur ni m’être vu en telle position, bien que j’aie été assez longtemps dans les maisons des autres et dans des maisons où il y avait assez de peine. J’ai servi neuf ans les moines de Guadalupe, et mille fois nous nous sommes battus les uns les autres à coups de poing ; mais, en vérité, jamais je n’ai eu peur de mourir comme tout à l’heure.

Sempronio. Et moi, n’ai-je pas servi le curé de San-Miguel, l’hôtelier de la place et Mollejas le jardinier ? Je ne passais pas un jour sans me quereller avec des gens qui chassaient à coups de pierres les oiseaux qui étaient sur un grand peuplier que nous avions, ce qui causait du tort au potager. Mais Dieu te garde de te voir avec des armes, c’est là le vrai danger ; ce n’est pas en vain qu’on dit : « Chargé de fer, chargé de crainte. » Retourne, pars, c’est bien l’alguazil cette fois.

Mélibée. Seigneur Calixte, quel est ce tumulte dans la rue ? On dirait le bruit de gens qui fuient. Pour Dieu, prenez garde à vous, vous êtes en danger.