Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/210

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Plebère. Madame ma femme, dors-tu ?

Alisa. Non, seigneur.

Plebère. N’entends-tu pas du bruit dans la chambre de ta fille ?

Alisa. Oui, je l’entends. Mélibée ! Mélibée !

Plebère. Elle ne t’entend pas, j’appellerai plus fort. Mélibée, ma fille !

Mélibée. Seigneur ?

Plebère. Qui donc marche et fait du bruit dans ta chambre ?

Mélibée. Seigneur, c’est Lucrèce ; elle est sortie pour m’aller chercher un verre d’eau, j’avais soif.

Plebère. Dors, ma fille ; je pensais que c’était autre chose.

Lucrèce. Il a fallu peu de bruit pour les réveiller ; c’est la crainte qui les fait parler.

Mélibée. Il n’y a animal si doux qui ne devienne furieux par amour ou par crainte pour ses petits. Que feraient-ils s’ils savaient que je suis réellement sortie !


Calixte. Fermez cette porte, enfants, et toi, Parmeno, porte un flambeau dans ma chambre.

Sempronio. Seigneur, vous ferez mieux de vous reposer et de dormir jusqu’au jour.

Calixte. Tu as raison, j’en ai bien besoin. Eh bien ! Parmeno, que te semble de cette vieille, dont tu me disais tant de mal ? Vois-tu quelle œuvre est sortie de ses mains ? Qu’aurions-nous fait sans elle ?

Parmeno. Je ne ressentais pas vos angoisses, je ne connaissais ni la gentillesse ni le mérite de Mélibée, je n’ai donc aucun tort. Je savais par cœur Célestine et ses artifices, je vous en avertissais parce que vous êtes mon maître ; mais il me semble maintenant qu’elle est tout autre, elle est entièrement changée.

Calixte. Comment changée ?