Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/211

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Parmeno. À un tel point que, si je ne l’eusse pas vu, je ne le croirais pas. C’est aussi vrai que vous vivez.

Calixte. Avez-vous entendu ce qui s’est passé entre ma dame et moi ? Que faisiez-vous ? Aviez-vous peur ?

Sempronio. Peur, seigneur ? Quoi donc ! En vérité, le monde entier ne saurait y parvenir. Vous en chercherez ailleurs, des peureux ; nous étions là à vous attendre, fort bien disposés et les armes à la main.

Calixte. Avez-vous dormi un peu ?

Sempronio. Dormir, seigneur ? On vous en souhaite, des dormeurs ; pas un instant je ne me suis assis et je n’ai joint les talons en vérité ; je regardais de tous côtés afin que, si j’apercevais quelqu’un, je pusse m’élancer et faire tout ce que mes forces m’auraient permis. Parmeno lui-même, bien que jusqu’à ce jour il n’ait guère paru vous servir de bon gré, fut aussi joyeux quand il aperçut les gens qui portaient les torches, que le loup quand il sent la poussière des troupeaux : il voulait les leur arracher ; mais il se contint quand il vit qu’ils étaient plusieurs.

Calixte. N’en sois pas surpris, la hardiesse est dans sa nature ; il l’eût fait lors même que ce n’eût pas été pour moi, parce que les hommes comme lui ne peuvent agir contre leurs habitudes. Bien que le renard change de poil, il ne change pas de naturel99. Aussi ai-je parlé de vous à ma dame Mélibée, et lui ai-je dit combien j’étais en sûreté avec votre aide et votre garde. Enfants, je vous en sais bon gré, priez Dieu pour ma santé ; je récompenserai dignement vos bons services. Allez avec Dieu et reposez-vous.


Parmeno. Où irons-nous, Sempronio ? Au lit pour dormir ou à la cuisine pour déjeuner ?

Sempronio. Va où tu voudras ; mais avant le jour je veux aller chez Célestine chercher ma part de la chaîne ;