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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/222

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la cause de leur mort, car il disait : « La justice veut la punition des assassins. »

Calixte. Qui donc ont-ils tué en aussi peu de temps ? Que signifie tout cela ? Il n’y a pas quatre heures qu’ils m’ont quitté. Comment se nommait la victime ?

Sosie. Seigneur, c’était une vieille femme nommée Célestine.

Calixte. Que me dis-tu ?

Sosie. Ce que vous entendez.

Calixte. Mais si cela est vrai, tue-moi à l’instant, je te pardonne. Il y a plus de mal que tu ne peux penser, si celle qui a été tuée est bien Célestine la balafrée.

Sosie. C’est elle-même, je l’ai vue percée de plus de trente coups d’épée, étendue dans sa maison ; une servante pleurait auprès d’elle.

Calixte. Ô malheureux jeunes gens ! comment étaient-ils ? T’ont-ils vu ? T’ont-ils parlé ?

Sosie. Ô seigneur ! si vous les aviez vus, votre cœur se fût brisé de douleur. L’un était sans mouvement avec toute la cervelle hors de la tête, l’autre avait les bras rompus et la figure meurtrie, ils étaient tous les deux couverts de sang. Ils s’élancèrent par une fenêtre fort élevée pour échapper à l’alguazil ; ils étaient presque morts quand on leur coupa la tête. Je crois qu’ils n’en sentirent rien.

Calixte. Mais moi je sens bien ma honte ! Plût à Dieu que j’eusse été à leur place et que j’eusse perdu la vie plutôt que l’honneur, plutôt que l’espérance d’achever l’entreprise que j’ai commencée, c’est ce dont je souffre le plus en ce malheureux moment. Ô mon nom et ma réputation ! vous voilà le jouet de toutes les bouches. Ô mes secrets ! mes secrets ! comme vous allez être publiés dans les places et les marchés ! Que deviendrai-je ? Où irai-je ? Qu’en résultera-t-il ? Je ne puis racheter les morts. Resterai-je