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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/227

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Si j’eusse pensé que vous dussiez me traiter avec aussi peu de bienséance, je ne me fusse pas livrée à votre cruelle conversation.

Sosie. Tristan, tu entends bien ce qui se passe : l’affaire est en bon train !

Tristan. J’entends si bien que je juge mon maître pour le plus heureux homme qu’il y ait sur terre ; et, sur ma vie, bien que je sois jeune, j’en rendrais aussi bon compte que lui.

Sosie. Pour une telle bague chacun aurait des mains ; il a raison d’en profiter107, car cela lui coûte cher : il est entré deux jeunes gens dans la sauce de ces amours.

Tristan. Il les a déjà oubliés. Laissez-vous mourir en servant des gens sans cœur ! faites des folies dans l’espoir qu’ils vous défendront ! Quand j’étais chez le comte, mon père me conseillait de prendre garde de ne pas tuer un seul homme. Vois-les donc joyeux et embrassés ; il n’y a pas un instant que leurs serviteurs ont été décapités pour une faute qui n’était pas petite.

Mélibée. Ô ma vie ! ô mon seigneur ! comment se peut-il que vous ayez voulu me faire perdre le nom et la couronne de vierge pour un plaisir d’aussi courte durée ? Ô ma pauvre mère ! si tu apprenais semblable chose, ne voudrais-tu pas mourir à l’instant ou me tuer dans ta colère ? Tu te ferais le bourreau de ton propre sang ! Je serais la cause de ta mort ! Ô mon honorable père ! comme j’ai flétri ta réputation, comme j’ai profané ta maison ! Ô criminelle que je suis ! comment n’ai-je pas prévu, seigneur, quelle grande faute suivrait votre venue et quel danger me menaçait !

Sosie. J’aurais voulu entendre ces jérémiades auparavant. Vous savez toutes cette oraison quand le mal ne peut plus s’éviter. L’imbécile de Calixte qui l’écoute !

Calixte. Le jour va venir ; qu’est-ce que cela ? Il