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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/249

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Areusa, à Sosie. Je serais confuse de ce que tu me dis et de t’entendre te moquer de moi de la sorte, si quelqu’un était devant nous. Vous autres hommes, vous avez toujours provision de ces discours, de ces trompeuses louanges, que vous débitez à toutes indistinctement et que vous faites au même moule ; aussi je ne veux pas m’en effrayer. Mais je t’assure, Sosie, que tu n’as pas besoin d’employer de tels moyens : je t’aime sans que tu me flattes ; sans que tu cherches à me gagner, je suis déjà toute à toi. Je t’ai fait prier de me venir voir pour deux choses, et je ne te les dirai pas, bien qu’elles soient dans ton intérêt, si tu fais encore le flatteur et le câlin.

Sosie. Ma douce amie, Dieu ne veuille pas que j’agisse de ruse avec toi ! Je venais sans croire à la grande faveur que tu veux m’accorder et que tu m’accordes ; je ne me sentais pas digne de te déchausser. Guide toi-même ma langue, réponds pour moi à tes paroles, je souscris d’avance à tout.

Areusa. Mon amour, tu sais combien j’aimais Parmeno, et comme on dit : « Qui aime Bertrand…120 » j’aime tout ce qui lui a appartenu, tous ses amis me plaisent : je m’intéressais comme lui au bon service de son maître ; partout où il voyait du tort pour Calixte, je cherchais à l’éloigner. Puisqu’il en est ainsi, je voulais te dire d’abord tout l’amour que je te porte ; tu me réjouiras toujours en venant me voir, et en cela tu ne perdras rien si je puis ; il y aura plutôt profit et avantage pour toi. Ensuite, puisque je porte sur toi mon amitié, mes regards et mon bon vouloir, je te conseille de te garder des dangers et surtout de ne découvrir ton secret à personne. Tu vois combien ce qu’a su Célestine a été fatal à Parmeno et à Sempronio ; je ne voudrais pas te voir mourir aussi tristement que ton compagnon ; j’ai bien assez d’en avoir pleuré un.

Tu sauras donc qu’il est venu chez moi une personne qui m’a dit que tu lui avais découvert les