Aller au contenu

Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je serai certaine de ta discrétion et persuadée de leur mensonge ; et dès qu’il sera prouvé que ce qu’ils disent est faux, tu seras à l’abri du danger et moi sans inquiétude sur ta vie ; car j’ai l’espoir d’être longtemps heureuse avec toi.

Sosie. Amie, n’ajournons pas les preuves ; Calixte et Mélibée sont convenus d’un rendez-vous dans le verger pour ce soir, quand l’horloge sonnera minuit. Demain tu demanderas à tes amis ce qu’ils savent, et qu’on me crucifie si l’un d’eux t’en dit quelque chose.

Areusa. Et de quel côté, mon âme, afin que je puisse mieux les contredire s’il se trompent ?

Sosie. Nous prendrons la rue du Gros-Vicaire, derrière la maison de Calixte.

Élicie, à part. On te tient, pauvre déguenillé : nous n’avons plus besoin de toi. Maudit soit celui qui se confie à un tel muletier ! Il se donne assez de peine, le bavard !

Areusa. Frère Sosie, c’est dit ; cela me suffit pour que je réponde de ton innocence et de la méchanceté de tes adversaires. Va avec Dieu, car je suis occupée à une autre affaire et j’ai perdu beaucoup de temps avec toi.

Élicie, à part. Ô l’habile femme ! ô le bon congé ! C’est bien là ce que mérite l’âne qui a lâché son secret si légèrement !

Sosie. Gracieuse et douce amie, pardonne-moi si je t’ai ennuyée par ma lenteur à venir ; tant que mes services te plairont, tu ne trouveras jamais personne qui aventure sa vie pour toi d’aussi bon gré. Que les anges te tiennent compagnie !

Areusa. Dieu te guide !

(Sosie sort.)

Areusa. Va, va, muletier, te voilà bien fier, mais il n’y aura que pour tes yeux, coquin ! Pardonne si je te tourne le dos. Que t’avais-je dit, sœur ? Viens ici ; que te semble de ma manière de le renvoyer ? C’est ainsi que je sais traiter ces gens-là, c’est ainsi que les ânes