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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/254

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pour oreiller ; et lors même que je voudrais offrir une collation, je n’ai rien à mettre en gage que cette cape déchirée que j’ai sur les épaules.

Élicie. En vérité, ce qu’il dit me fait grand plaisir : il t’obéit comme un saint, il te parle comme un ange, il se rend à toute raison ; que lui demandes-tu de plus ? Sur ma vie, parle-lui, laisse là ta colère, puisqu’il s’offre à toi de si bon gré.

Centurion. Je m’offre, tu dis, madame ? Je te jure par le saint martyrologe, depuis A jusqu’à Z (le bras me tremble de ce que je veux faire pour elle), que je pense sans cesse à la rendre contente, et jamais je n’y parviens. La nuit dernière je rêvais que je joutais dans un défi pour son service contre quatre hommes qu’elle connaît bien et que j’en tuais un ; les autres s’enfuirent ; celui qui s’en alla en meilleur état laissa son bras gauche à mes pieds. Or je ferai bien mieux de jour et éveillé, quand je trouverai quelqu’un sur ses talons.

Areusa. Puisque je te tiens ici, nous voilà à bonne occasion ; je te pardonne, à la condition que tu me vengeras d’un cavalier nommé Calixte, qui nous a offensées, moi et ma cousine.

Centurion. Oh ! je ne veux pas de condition ; dis-moi tout de suite s’il est confessé.

Areusa. Ne t’inquiète pas de son âme.

Centurion. Puisqu’il en est ainsi, envoyons-le dîner en enfer sans confession.

Areusa. Écoute, ne m’interromps pas, tu l’expédieras cette nuit.

Centurion. Ne m’en dis pas davantage, j’ai ce qu’il me faut ; je sais toute l’histoire de ses amours, ceux qui sont morts à cause de lui et ce qui vous concernait là-dedans ; je sais où il va, à quelle heure et avec qui. Mais, dis-moi, combien sont ceux qui l’accompagnent ?

Areusa. Deux serviteurs.