Sempronio. Je dis que j’aurai grand plaisir à vous entendre. (À part.) Dieu te tienne compte de l’agrément que va me donner ce sermon !
Calixte. Quoi ?
Sempronio. Dieu m’est témoin de tout le bonheur que j’éprouve à vous écouter.
Calixte. Eh bien ! pour qu’il dure plus longtemps, je te vais faire ce portrait fort en détail.
Sempronio, à part. Me voilà bien, c’est tout le contraire que je cherchais. Cette ennuyeuse corvée va-t-elle durer longtemps ?
Calixte. Je commence par les cheveux. As-tu vu ces tresses d’or fin qu’on file en Arabie ? Ils sont plus beaux et ne brillent pas moins. Ils tombent jusque sous ses talons. Quand elle les déroule, quand elle les réunit avec un léger cordon, quand elle les arrange sur sa tête, il n’en faut pas davantage pour changer les hommes en pierres.
Sempronio, à part. Plutôt en ânes.
Calixte.. Que dis-tu ?
Sempronio. Je dis que de tels crins ne sont pas faits pour des ânes.
Calixte. La brute ! quelle comparaison !
Sempronio, à part. Êtes-vous sage vous-même ?
Calixte. Ses yeux verts bien fendus, ses longs cils, ses sourcils fins et arqués, son nez moyen, sa bouche petite, ses dents serrées et blanches, ses lèvres colorées et rondelettes, l’ovale parfait de son visage, sa gorge relevée, la rondeur et la forme de ses jolis petits seins17… qui pourrait te peindre tout cela ? L’homme se perd en regardant ces charmes ! Vois sa peau lisse et lustrée, dont la blancheur ternit la blancheur de la neige, ce teint si gracieusement nuancé qu’elle semble l’avoir choisi elle-même.
Sempronio, à part. Le niais n’en démordra pas.
Calixte. Ses mains moyennement petites, douces et potelées, ses doigts effilés, ses ongles allongés et colorés qui ressemblent à des rubis entourés de perles