Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1106

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délais nous étonnaient beaucoup, et ne nous faisaient cependant que supposer quelques suites de circonstances ou de distractions, balancées par des craintes d’altération de santé ; c’était l’absorbement du chagrin, et vous nous fîtes pari de sa cause. Cette expérience ajoute aux inquiétudes que peut inspirer votre silence, et elle se mêle douloureusement aux combinaisons que nous faisons à votre sujet. Si vous avez quitté Londres, pourquoi ne pas nous avoir prévenus de votre départ ? Si vous l’habitez encore, comment pouvez-vous demeurer si longtemps sans communiquer avec vos amis ! Je présume que votre projet d’alliance n’a pas été sans succès, et je m’étonne que vous se faisiez (sic) point participant de ceux-ci les personnes que vous savez y prendre tant d’intérêt.

Dans une correspondance plus suivie, je vous aurais tenu au courant de notre Assemblée ; mais, au reste, les papiers vous y mettent, et les choses se succèdent avec tant de rapidité, que leur ensemble échappe à la narration quand on ne la reprend qu’à des époques éloignées.

L’organisation du Corps législatif se fait passablement et, du moins jusqu’à ce moment, l’Assemblée paraît s’être rajeunie pour cette partie. Les législatures n’auront pas besoin d’être convoquées par le Roi, et il ne pourra les dissoudre ; les membres de celle-ci ne sont pas rééligibles ; voilà d’excellentes choses, et nous devons les premières énoncées à cette non-réélection qui fut d’abord heureusement décrétée.

La cause des gens de couleur est gagnée ; ces succès m’ont un peu réconciliée avec notre Assemblée ; mais il est toujours instant qu’elle finisse, car l’avantage du bon parti tient à si peu de chose, qu’on est toujours sur le bord du précipice. La rareté, le haut prix de l’argent font actuellement la crise publique ; il se vend douze, quinze et même vingt pour cent. Le désordre des finances inquiète les plus confiants ; c’est à qui réalisera ses capitaux ; aussi les biens fonds se vendent un prix fou ;. on s’estime heureux d’acheter des terres à deux pour cent de revenu. La législature ne saurait être encore longtemps en exercice ; mais ce sera sûrement au delà du mois de juillet. Je ne vous dis rien de nos affaires particulières, elles ont toujours la même incertitude.

Je laisse la plume à l’ami Lanthenas, après vous avoir réitéré l’attachement du ménage. Adieu.

Je[1] partage, mon cher ami, les inquiétudes que donne votre silence ; et je souhaite que vous nous en tiriez bientôt. Je n’ai rien à vous dire sur l’objet de vos dernières occupations

  1. Ce qui suit est de Lanthenas.