Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1120

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la glace sur un objet que des Comités sont chargés de rapporter et que les députés de Lyon sont si bien à portée de presser. Nos craintes semblent exagérées, et l’on finirait volontiers par croire que notre activité tient à un zèle local, auquel l’intérêt commun n a pas la plus grande part.

Les Comités sont surchargés ; dans la multitude des opérations à faire, ils préfèrent d’abord les plus générales, puis celles sur lesquelles l’Assemblée même témoigne de l’empressement. Or, si l’un des députés lyonnais prenait la parole dans l’Assemblée, qu’il traçât en peu de mots votre situation et demandât que le Comité fit son rapport, il faudrait bien que celui-ci arrivât ; il pourrait, même plus, faire sentir la nécessité d’un secours provisoire et déterminer un décret sur-le-champ. Il n’y a rien de si facile que de faire cela un matin ; il y a des mois qu’ils devraient l’avoir fait.

Je n’ose scruter les cœurs, cela n’appartient qu’à une sagesse plus qu’humaine : mais quand ces gens-là seraient traîtres, quand ils voudraient vous voir abîmer, quand ils s’entendraient avec les ennemis du dehors pour favoriser les désordres intérieurs, ils n’agiraient pas autrement. La lettre de notre ami les a rendus furieux. Milanois lui a reproché de chercher à être député, de n’être pressé de finir que pour aller aux élections ; mais qu’il aurait beau faire, les choses n’en iraient pas plus vite ici, qu’ils savaient bien qu’un député extraordinaire était inutile, qu’ils l’avaient voulu pour témoin des difficultés,… puis, dans un autre moment, que, si l’on réussissait, ce serait le député extraordinaire qui en aurait la gloire, tandis qu’eux s’étaient fort agités pour cela, etc…

On ne peut rien imaginer d’aussi petit, d’aussi faux, d’aussi révoltant. J’admire le sang-froid de notre ami ; j’aurais répondu à un pareil homme « qu’il était facile à des membres de l’Assemblée de rendre inutile un député extraordinaire, soit en le croisant, soit en négligeant de le seconder ; mais qu’il n’était pas pardonnable à ces mêmes membres de ne pas faire tout ce qu’il était en leur pouvoir pour remplir leurs obligations envers leurs commettants ; que leur silence est une trahison