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À MONSIEUR HENRY BANCAL, À CLERMONT-FERRAND[1].
Lundi, 20 juin 1791, — de Paris.

Peu après votre passage ici, nous avons reçu votre avant-dernière de Londres du 27 passé, que l’absence de Bosc avait sans doute retardée, puisqu’elle nous a été renvoyée par lui. Nous attendions avec empressement vos nouvelles de Clermont, jugeant bien à la fois et de la fatigue que vous deviez ressentir, et des impressions que renouvellerait la vue de votre pays. L’amitié recueille et partage avec attendrissement vos affections et vos regrets ; c’est le seul genre de consolation qu’elle sache offrir à des pertes réelles et si vivement senties : elle laisse au temps à rappeler les considérations qui peuvent les tempérer, et se borne à les préparer par l’adoucissement d’une douleur partagée. — J’ai tardé de quelques jours de vous écrire, afin de pouvoir mieux répondre à divers articles de votre lettre ; je sortis une fois en vain pour la communiquer à l’ami Garran, chez qui je ne trouvai personne ; Lanthenas l’a vu hier, et ils doivent aller ensemble un de ces matins dans votre appartement[2] pour y faire la recherche et y mettre l’ordre que vous désirez. Mais en attendant d’avoir à vous en communiquer le résultat, je craindrais de mettre un délai qui vous ferait mal juger de notre plaisir à soutenir et alimenter notre correspondance avec vous. Nous avons aussi vu Brissot, mais non encore obtenu de lui vos deux lettres sur les pétitions ; nous avions dessein de les fondre et de les faire publier par Tournon. Mais, en vérité, ce qui est une fois livré aux écrivains demeure enseveli, souvent perdu dans leurs papiers, lorsque le moment ou leur disposition n’en a pas favorisé, déterminé l’emploi. C’est ainsi que notre ami a perdu deux petits morceaux donnés l’un à Robert[3],

  1. Lettres à Bancal, p. 231 ; — ms. 9534, fol. 123-125.
  2. Rue du Petit-Bourbon, n° 15, près Saint-Sulpice, chez le notaire Bro, son parent.
  3. Nous rencontrons ici pour la première fois le nom de Robert ; qui, après avoir été d’abord en bonnes relations avec les Roland, devint un de leurs ennemis les plus acharnés.

    Pierre-François Robert (1763-1826) eut un rôle très actif à Paris, dès 1789, comme agitateur et journaliste. Marié à Mlle Louise de Keralio (1758-1821), qui ne mettait pas une ardeur moindre au service de la Révolution, il fut un des pre-