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Je me déplais horriblement ici et je ne souhaite plus que de partir ; les affaires particulières de notre malheureuse ville sont au pis ; on n’obtient rien de ces Comités que de la déraison. Je ne rêve plus qu’à la retraite et n’ambitionne que d’en jouir.

Les victimes paraissent devoir être telles : Danton, haï par [Lafayette][1], lui est sacrifié par les Lameth ; ceux-ci exigent en retour Brt. [Brissot], qu’ils détestent parce qu’il les a démasqués, et L.f. [Lafayette] le leur abandonne : avant tout Robesp[ierre] est sacrifié à la Cour par la faction dominante qui se la concilie, et abandonné par les jaloux de tous les partis.

Prudence dans toutes vos démarches pour ne point donner de prise.


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[À BANCAL, À CLERMONT[2].]
22 juillet 1791, — [de Paris].

Nous avons été, nous sommes encore dans l’agitation que vous pouvez croire, au milieu des soupçons, des manœuvres et de la terreur qu’on rencontre de toutes parts.

À force de creuser les choses et de rapprocher les faits, il paraît que le premier but des calomnies et de la persécution est d’altérer l’opinion publique sur les écrivains ou hommes connus dont le talent ou le caractère est une pierre d’achoppement à la marche des ambitieux qu’ils surveillent.

Il faut discréditer Bst. [Brissot] pour le forcer au silence, à l’éloignement, et surtout l’empêcher de parvenir à rien ; il faut effrayer Robespierre ou définitivement le perdre, pour l’empêcher de demeurer accusateur public. Il faut enchaîner Danton parce qu’il a des moyens dont la cabale peut tirer parti, et qui pourraient servir contre elle. Il faut en imposer aux hommes actifs, aux chauds patriotes, pour éviter d’incommodes censeurs, et la voie qu’on prend pour cela est celle de l’arrestation, incarcération, etc., des têtes qui se sont aventurées avec la franchise, l’énergie ou même l’indiscrétion qui ne connaissent pas de mesures.

  1. Nom biffé et rétabli de la main de Henriette Bancal.
  2. Lettres à Bancal, p. 310 ; — ms. 9534, fol. 158-159.