Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/1200

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lui montrait un cœur franc et en qui elle a cru reconnaître un caractère sûr. Dans ces dispositions respectives, il a dû s’établir rapidement, avec les autres données qui sont à votre connaissance, je veux dire quelques rapports de goûts et de travaux, une sorte de communication confiante et le désir de s’étudier davantage.

La circonstance de mon voyage en fournissait l’occasion : partant seule et devant me rendre à la campagne pour un intervalle prescrit, la société de Mme  G. nous devenait à toutes deux un moyen de nous bien connaître ; il y avait assez d’aperçus pour compter avec vraisemblance que, dans tous les cas, nous aurions passé ce temps avec plaisir. La saison, la santé de G., d’autres circonstances qui lui sont personnelles, fournissaient des motifs à l’appui de ce projet ; mais il y avait aussi des obstacles à son exécution, et, jusqu’à hier matin, ce fut plutôt un désir, ainsi que nous vous l’avions témoigné, qu’une affaire arrêtée. Dans cet état de choses, je vous aurais pourtant fait part de ce qui existait, avec un peu plus de détails qu’à ma première annonce, si nous nous fussions trouvés de cette manière qui favorise la communication ; mais les préoccupations, les alentours, s’unissant aux considérations d’après lesquelles je croyais de délicatesse de ne point annoncer ce qui, peut-être, n’aurait pas lieu, je ne vous mis point au courant. Je vous ai dit quelles idées me vinrent hier, et certainement mon exposé est aussi franc sur cette partie que pour tout le reste.

Si j’ai des torts dans tout ceci, ils sont bien involontaires, et je crois que je ne les dois qu’à un degré de délicatesse qui ne devrait pas m’en faire avoir. Je ne vous en prête point, je ne me plains pas de ce que vous pensez : circonstances et sensibilité expliquent tout de votre part ; peut-être les apparences sont-elles contre moi. Mais je suis affligée au delà de tout ce que je puis dire, et je trouve affreux d’altérer ses amis par cela même qui, dans ma conscience, me rend plus digne de leur attachement.

D’après cela, vous n’attendrez pas de moi d’autre explication ; tout ce que je puis ajouter, c’est que toute l’injustice du monde ne me porterait pas à devenir injuste moi-même, et que je ne me vengerai