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Comme vous le dites fort bien, notre séparation n’est bonne à rien et il est dur d’envisager en même temps quelle est nécessaire, toute nuisible qu’elle se trouve à tant de choses et à nous-mêmes. Vous êtes peut-être élu dans ce moment[1] et vous allez être entraîné loin de nous. Que puis-je vous dire sur les biens dont vous parlez, que vous répéter ce que je vous écrivis avant de quitter la capitale ? Adieu, mon ami, adieu ; mon cœur est triste. J’ai pourtant amené avec moi une femme bien intéressante, avec laquelle je me suis liée à Paris, et qui est venue m’accompagner à cent lieues, comme on va à deux pour ne pas quitter si vite ses amis. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que celui qui nous a mises en liaison s’est fâché d’avoir si bien réussi, tant le cœur des hommes est inexplicable ! J’imagine que le vôtre n’est pas si difficile à entendre. Adieu, encore ; quand est-ce que nous nous reverrons ? Je finis ma causerie, je retiens mon abandon pour faire des lettres indispensables ; donnez-moi de vos nouvelles. Mon bon ami partira de Paris vers le 20.


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[À BANCAL, À CLERMONT[2].]
24 septembre 1791, — du Clos Laplatière.

Qu’êtes-vous donc devenu, mon ami ? Je ne puis expliquer votre silence. Il me paraît être égal pour nos amis de Paris comme pour moi ; il m’inquiète et m’afflige plus que je ne saurais vous dire.

Les élections doivent être terminées chez vous, et lors même quelles ne le seraient pas encore, vous ne devriez pas nous laisser aussi longtemps sans nous donner de vos nouvelles. Avez-vous déjà oublié combien elles nous sont chères ? Je ne puis le croire, et ne saurais dès lors assigner à votre silence que des causes d’impossibilité physique inexplicables sans une maladie.

Hâtez-vous de me tirer de cette anxiété que vous devez bien vous reprocher si elle résulte de quelque négligence. J’attends mon mari demain ; il a dû

  1. Bancal ne fut pas élu. — Voir sur les circonstances et les causes de son échec. Mègre, p. 48-49. Il alla alors voyager pendant deux mois dans le midi de la France et arriva à Paris au commencement de décembre 1791. De là, l’interruption qu’on va trouver dans la correspondance de Madame Roland avec lui.
  2. Lettres à Bancal, p. 335 ; — ms. 9534, fol. 175.